Président des Chatons d’Or, ancien directeur de Sup de Création, professeur engagé et désormais instigateur d’une future plateforme de formation, Nicolas Cerisola a rejoint cette année le jury des Trophées de la Com Sud-Ouest. Rencontre avec un passionné de création, qui voit dans les prix de communication un levier d’émancipation, de réflexion, et de réinvention des métiers.
Pourquoi avoir accepté de faire partie du jury cette année ?
Je suis dans une phase de transmission, de transformation aussi. En reprenant les Chatons d’Or, je réfléchis à ce que peut être aujourd’hui un concours de création qui a du sens. Et quand on m’a proposé d’intégrer le jury des Trophées de la Com Sud-Ouest, ça m’a semblé naturel. D’abord, pour observer comment fonctionnent d’autres prix que ceux, très parisiens, auxquels on est habitué. Ensuite, parce que j’ai la conviction que le talent n’est pas géographiquement situé. Il y a une vraie richesse créative en région. Et enfin, parce que cela entre en résonance avec ce que je prépare avec la Creative League, une plateforme de formation dédiée aux post-diplômés et aux professionnels en reconversion. Valoriser l’intégration professionnelle par la créativité, c’est un combat que je porte.
Pourquoi le film publicitaire en particulier ?
Parce qu’il faut une forme de légitimité dans un jury. Moi, c’est le film que je respire. Le spot qui t’arrache une émotion, qui suspend le temps. Et j’aime cette idée d’un message intelligent, d’un twist, d’un décalage qui flatte celui qui le reçoit. Loin de la publicité qui répète en boucle un message pour exister sur les réseaux. Moi, ce qui m’intéresse, c’est ce qui génère du sens, une idée, une révélation.
Y a-t-il une campagne qui vous a particulièrement marqué ?
Je pourrais citer toutes les publicités cultes qu’on retrouve dans “Pas de publicité, merci“, l’ouvrage de Rémi Babinet. Des pépites intemporelles. J’ai grandi avec les pubs Air France, les campagnes de DDB pour Volkswagen. Mais plus que des références précises, c’est une époque qui m’inspire : celle où les langages publicitaires ouvraient des univers. Quand on attendait les spots comme des courts-métrages. Aujourd’hui, la publicité est un peu avalée par les collaborations, les influenceurs. Ce n’est pas qu’un problème esthétique, c’est un problème de fond. La communication devient une réaction au buzz plus qu’un travail d’auteur. Et c’est pour ça qu’il faut défendre les films qui osent autre chose.
C’est ce que vous aimeriez que cette édition des Trophées mette en lumière ?
Oui, des campagnes qui renouent avec l’idée. Qui ne tombent ni dans le sensationnalisme, ni dans le déjà-vu. J’espère qu’on va voir émerger des films exigeants, sensibles, qui apportent autre chose qu’un message vite consommé. Et puis, il y a un enjeu très actuel : celui de l’intelligence artificielle. C’est un vrai tournant dans nos métiers. Je l’ai volontairement expérimenté avec un film 100% IA des Chatons d’Or. C’est fascinant à produire, mais ça interroge sur la place de la création humaine, la vitesse de production, la valeur du travail artistique… Bref, c’est un sujet à prendre à bras-le-corps, et à ne surtout pas rejeter en bloc.
Comment prendre en compte cette question de l’IA dans les concours ?
Créer des catégories IA me semble une hérésie. L’IA n’est pas une finalité, c’est un outil. Isoler une catégorie, ce serait lui accorder un statut qu’elle n’a pas. Il me semble en revanche important d’intégrer des experts de l’intelligence artificielle dans les jurys et de bien comprendre à quel moment et à quel niveau celle-ci intervient dans une production. Est-ce qu’elle sert une intention ? Est-ce qu’elle enrichit une idée ? Là, elle a sa place. Mais si c’est juste pour appuyer sur un bouton, ce n’est pas intéressant. Ce que je défends, c’est une création authentique, assumée. Et s’il y a de l’IA dedans, très bien, à condition de savoir comment elle est utilisée.
L’évolution des métiers semble être au cœur de vos préoccupations. Vous y répondez comment ?
Par la pédagogie. L’IA va bouleverser beaucoup de fonctions techniques, c’est un fait. Mais ceux qui s’en sortiront, ce sont les créatifs, les directeurs artistiques, ceux qui ont une culture, une sensibilité, un regard. Ceux qui savent générer une idée, raconter une histoire, construire une vision. Avec la Creative League, on veut accompagner cette mutation. En proposant des compléments de formation adaptés à chaque profil, pour que chacun puisse rebondir, évoluer, se réinventer. C’est un travail de fond nécessaire.
Merci Nicolas, on se donne rendez-vous aux Trophées…
Oui, j’ai hâte de découvrir les campagnes, de rencontrer les autres membres du jury. Et surtout, de voir comment les candidats s’emparent de ces nouveaux outils et de ces nouveaux récits.

