Toucher, embarquer, bousculer, mais toujours avec justesse : tel est le fil rouge qui anime Guillaume Cotillard, directeur développement et communication de Médecins du Monde. Avec engagement et lucidité, il défend une parole incarnée et empathique, capable d’éveiller les consciences.
Vous avez un parcours atypique, d’abord orienté vidéo et digital, puis vers la communication. Qu’est-ce qui vous a motivé à poursuivre dans ce sens ?
J’ai toujours eu l’envie de communiquer, que ce soit par le visuel ou par l’audio. Après avoir collaboré avec des grands groupes comme Apple, Microsoft ou Casio, j’ai dirigé des équipes en charge de la création de sites web. Cette manière d’allier communication et créativité m’a énormément attiré et inspiré. Ma carrière est éclectique, mais la communication était déjà présente à chaque étape.
Qu’est-ce qui vous anime dans votre mission chez Médecins du Monde ?
Le fait de soutenir des causes essentielles pour le bien de l’humanité, tout simplement : la justice sociale, la dignité des personnes… Certains des combats de Médecins du Monde ne sont pas les plus fédérateurs auprès du grand public, comme le travail auprès des usager·ère·s de drogue ou des travailleur·se·s du sexe. Pourtant, ce sont des réalités humaines fondamentales. L’accompagnement des personnes migrantes s’inscrit dans cette même logique de solidarité et d’humanité, d’autant que le dérèglement climatique et la multiplication des conflits font exploser cette problématique. Se reconnaître dans l’autre, se respecter mutuellement : voilà ce qui m’anime.
Dans le champ de la communication solidaire, sur quoi faut-il mettre l’accent aujourd’hui ?
Sur l’incarnation. Mes missions allient communication et collecte de fonds. Les chiffres ont certes leur importance, mais ne suffisent pas. Il faut donc une identité forte qui donne envie de s’engager, bénévole comme donateur. Dans un contexte de digitalisation croissante, il me semble essentiel de rassembler autour de valeurs humaines pour toucher le public.
Le grand public a toujours en tête cette image d’Épinal du « French Doctor » qui arrive, soigne et repart. Pourtant, chez Médecins du Monde, ce sont les professionnels de santé locaux et nationaux qui assurent la majorité des missions humanitaires. Il y a donc un enjeu de vérité, d’humanisation, qui passe notamment par des récits incarnés. C’est à travers ce type de discours que les publics peuvent comprendre la réalité des vies concernées, loin des clichés.
Quelle tonalité vous semble alors la plus adaptée chez Médecins du Monde ?
Cela dépend des cibles. Toutefois, notre identité générale est militante, voire activiste. C’est ce que reflète notre signature “Soigne aussi l’injustice”. Médecins du Monde s’est d’abord créé autour des Boat People, avec la volonté de dénoncer leur condition, du côté des médecins comme des journalistes.
On fait donc de nombreux plaidoyers pour faire évoluer l’accès aux soins et l’accès aux droits. Si notre communication est engagée et disruptive, elle s’autorise aussi l’humour pour dénoncer les aberrations du système, en France comme à l’international.
Pour les Trophées, vous intervenez dans la catégorie “Communication d’intérêt général”. Selon vous, qu’est-ce qui fait la force d’une campagne solidaire réussie ?
Au-delà de l’incarnation, l’émotion juste. Celle qui provoque l’indignation, l’engagement, ou même le sourire. C’est un point clé dans l’humanitaire.
Les gens veulent aussi de la cohérence et du sens, en tant que donateurs. Ils cherchent des marques ou des causes alignées avec leurs valeurs.
Pour autant, l’émotion ne doit jamais être obtenue au détriment de la dignité. Il y avait dans les années 1980-90 des campagnes très graphiques, où l’on voyait des enfants malnutris, décharnés… Cela correspond à une époque révolue, et dans laquelle nous ne nous reconnaissons pas. De même, l’humanitaire a souvent tendance à se focaliser sur les problèmes plutôt que sur les réussites qui sont pourtant nombreuses face à la multiplication des crises. Il existe de nombreux autres leviers comme l’optimisme ou parfois l’humour pour raconter l’humanitaire et son impact positif.
Qu’attendez-vous des campagnes présentées cette année aux Trophées ?
D’être touché, bluffé, surpris, embarqué. Et qu’il y ait une véritable recherche d’innovation. Aujourd’hui, le volume de contenus à la minute est tel que se démarquer devient particulièrement compliqué. Et le plus dur reste de faire simple. Le challenge est pour moi de savoir maîtriser ces deux enjeux.
Après, il faut juger la qualité de la campagne, pas celle de la cause. Toutes les causes sont justes. L’esprit de concurrence est un peu contre-intuitif pour moi. Dans le secteur humanitaire, on coopère sur le terrain, et aussi en communication. Ce qui est d’ailleurs le cas avec Alliance Urgences (ndlr : Action contre la Faim, Care, Handicap International, Médecins du Monde, Plan International, Solidarités International).
Question bonus : si vous pouviez participer à une autre catégorie, laquelle choisiriez-vous ?
Toutes ! Cela dit, j’ai une affection particulière pour l’événementiel. Parce que ça nous ancre dans la vie réelle. C’est primordial dans un monde digitalisé, d’autant qu’on ne sait pas quelle place le virtuel occupera à l’avenir dans notre quotidien.
Toutefois, l’événementiel doit s’accompagner d’une profonde réflexion écologique. Chez Médecins du Monde, je répète souvent aux équipes de communication qu’un bon événement, c’est un événement sans impact écologique, ou du moins avec une empreinte limitée. Même si ce n’est pas notre mandat premier, nous sommes très vigilants concernant l’influence de l’environnement sur la santé dans chacune de nos actions. C’est une autre facette, mais qui montre l’importance de l’engagement écologique, même dans la communication événementielle.
Entretien réalisé par Fanny Carré

